Mon TonTon

Tu es à côté du seigneur ou de Jésus désormais. En tout cas tu es mort.
Quand nous sommes arrivés au crématorium, il y avait déjà beaucoup de monde endeuillé à attendre le recueillement devant le corps d’un défunt dans une autre salle mitoyenne de la tienne ! J’ai dit « Ce sont les soldes ? » Mon mari était outré !
Il y a d’abord eu ta mise en bière. Elle a été retardée.
J’ai craint que nous soyons tout seuls avec Claude pour ta cérémonie.
Ça, ça m’aurait rendue drôlement triste.
Mais non, sont arrivés en premier Jean-Luc, Jean-Philippe, Lucie, Agathe et Marie, sa mère ex-femme de Jean-Luc puis Bruno et Frédéric, Francine, Cécile et Bernard.
Les pompes funèbres se sont approchées pour fermer le cercueil. Mais tous, Bernard en tête se sont précipités pour leur arracher des mains le tournevis, et visser chacun scrupuleusement ces p’tains de vis qui allaient à jamais t’enfermer dans cette boîte. Arghh !!! Mais pourquoi tant d’empressement, ils ont eu peur que tu sortes ou quoi ? J’étais anéantie. Mon pauvre TonTon, ne le prend pas mal, je n’ai pas pu éviter ça, j’ai tellement honte pour eux et désolée pour toi. Je sais que tu aurais pu te retourner dans ta tombe… Tu n’y étais pas encore et tu n’y seras jamais d’ailleurs !!! Alors là moi je t’avoue, leur attitude m’a sidérée. Pour ne pas dire abasourdie. Surtout lui qui ne pouvait pas te blairer de ton vivant et réciproquement. Je n’aimerais pas être à sa place ! Je me suis dit que je t’écrirai pour te dire de prendre ce comportement pour de l’affection… difficile à croire, je te l’accorde, ou de la culpabilité. Ils en avaient à revendre, tous. Ha ! Ha ! Là il y n’y avait pas de soldes, je peux te le dire. C’est dommage que ça arrive à ce moment-là, particulièrement celui-ci, celui de ton enterrement ! Au départ, je l’ai pris pour César ton professeur de piano. Il a eu un regard de dédain comme si j’étais, je sais pas moi, une maladie infectieuse, un être pas digne de le regarder ou de lui adresser la parole. Mais quel connard ! Il ne m’a pas dit bonjour.
Dans cette petite salle devant ton cercueil, j’étais seule enfin avec Claude mais exclue de cette famille. Je n’avais pas de peine à constater cette situation. Je sais que c’est comme ça. Depuis toujours. Au départ parce que j’étais là préféré de papi ! Et parce que notre séjour à Nouméa à couper les ponts, puis nos vies qui nous séparent, nos parents qui disparaissent et qui faisaient le lien… Et après, j’étais ta curatrice un terme juridique officielle qui effraie peut-être. Voilà, j’étudiais, j’observais ce qu’il se passait.
Puis c’était le moment religieux. À 11 heure nous ont rejoint Denis, sa mère, Corinne, Véronique, Marie-Christine, Jacques – mari de Brigitte, puis Lolie et une dame que je ne connais pas. J’ai salué tout le monde à peu près, embrassé Yvonne qui me déteste, j’avais l’impression de faire la bise à un bout de bois. Je me demande parfois si elle se souvient que je suis la fille de Serge son frère, avant d’être ta nièce.
La diacre s’est trompé, elle parlait avec une lenteur de tortue, elle cherchait ses mots longtemps pour faire durer le plaisir sans doute, je peux te dire qu’elle kiffait l’instant. Ce devait être son moment de gloire. A tel point qu’elle a oublié le texte en ton hommage que j’avais préparé. Elle s’est rattrapé, je lui ai dit.
Il était bien ce texte, dedans il y avait Lionel, Serge, Fabienne, Yvette, quatre quart, gâteau savoureux, café chaud et tarte aux fruits, rugby, scouts, messe, musique classique, chants. Il a fallu que je l’aide à mettre la musique.
J’avais demandé à Lucie et Agathe d’allumer les bougies pour les poser sur le cercueil. Elles se sont exécutées suivis de Bernard, Yvonne, Jean-Luc, Jean-Philippe…. Ç’aurait pu être comique si ce n’était pas si pathétique…
Ensuite nous avons tous béni ton cercueil, ça m’a fait du bien de voir mes cousines là. Tout d’un coup je me suis dit c’est ça la famille, c’est ça la force qu’elle te donne, d’être présentes. J’ai regretté du coup tous les enterrements où je ne suis pas allée parce que ça apaise vraiment la présence des siens.
Bon, ils sont tous venus pour toi, il ne faut pas que je me trompe, pas pour moi.
Jacques a eu des paroles délicieuses, il a dit qu’il était là pour représenter Hélène, ta sœur décédée, Françoise et Brigitte, ses filles. Il a dit qu’il ne te connaissait pas, mais qu’il adorait Hélène et que tu étais un peu son garçon à ce qu’elle lui avait raconté, tout comme lui, comme son gendre et Marc aussi un des derniers de la fratrie.
Enfin, nous avons récupéré l’urne. Claude l’a portée « je suis bien content de te porter Lionel ! C’est bien la première fois que je le peux aussi … »
Et c’est nous qui l’avons apportée au cimetière. Complètement absents les Pfg… Heureusement que ce n’était pas un cerceuil … Ils nous ont emmené sur une tombe qui n’était pas la bonne. Qu’est-ce qu’on se marre quand même ! Tu aurais rigolé, toi aussi, j’en suis sûre.
Ils ont fini par la trouver et te voilà désormais pour toujours en compagnie de tes parents et Jean-Claude. Repose en paix mon cher TonTon. Tu es dans mon cœur pour toujours. C’est encore un peu de mon papa qui part aujourd’hui.
C’est sûr que si maman avait été là tout aurait été probablement différent mais elle était hospitalisée pour son fémur pété !
Je n’ai pas organisé de pot, ni eux d’ailleurs.
Ainsi va la vie.

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