On est toutes dans la salle d’attente. Le bruit des pas de chacune des femmes varie en fonction de leurs chaussures. Baskets ou talons, de toute façon, le parquet craque. Difficile d’être discrète… et pourtant dans cet antre de la radiologie et de la mammographie, on voudrait surtout ne pas faire de bruit, que le cancer ne nous entende pas, on voudrait glisser tranquillement sous la moquette, l’air de rien. Seulement voilà, il n’y en a pas.
Donc on patiente, on se tait, suspendues aux appels incessants des assistantes, qui nous hèlent pour aller passer l’examen. Radio du sein d’abord. Je ne savais pas que mon sein pouvait être une pâte à pizza. Malaxé, étendu, pétri, puis écrasé. Argh !
Tiens voilà un homme qui accompagne sa femme ! Il est le seul le pauvre, bon en même temps, c’est sympa de sa part.
Moi je préfère être toute seule. Me mettre entre parenthèses. Elles commencent au début du rendez-vous et se terminent à l’énoncé du résultat.
Etre entre parenthèses, suspendue à une vie d’avant qui pourrait complètement changer après, qui pourrait justement devenir la vie d’avant.
Puis l’échographie, on me badigeonne le sein de gel. Il porte bien son nom celui-là, il est glacé. Puis avec son engin, le radiologue ausculte le sein pour voir s’il n’y a pas de truc louche. Il inspecte minutieusement. « Voilà c’est fini, retournez dans la salle d’attente, le médecin va vous appeler ». Là, c’est le pire moment, on a tout donné et il faut encore patienter. Toute notre anatomie est dans les mains du médecin. Désormais lui en sait plus que nous. D’habitude, je scrute l’attente. Ce n’est pas bizarre que ce soit si long ? Ce n’est pas un mauvais signe ? Bah si, il se demande comment m’annoncer la nouvelle, la super mauvaise nouvelle. Et d’ailleurs comment s’y prend-il pour le dire ? Est ce qu’il l’annonce souvent ? Combien de fois par mois, par semaine, par jour ?
Mais non, cette fois-ci pas de suspens à analyser « Passez par ici, le médecin est disponible tout de suite pour vous recevoir, il vous attend ».
Ici c’est un point de bascule. Tout pourrait dégringoler. Selon le résultat.
Ne pas en parler, épargner l’homme, le masculin, le compagnon qui ignore tout de ça. Et de toute façon, son inquiétude me paniquera. Autant gérer toute seule ce rituel moment obligatoire pour être sure et certaine que tout va bien, rien n’a bougé, ni évolué. Que tout va bien et que la vie peut continuer comme avant. Un jour peut être hélas le résultat ne sera pas celui espéré. Le soulagement tant attendu.
« Bon, tout va bien, on se revoit dans 2 ans. Au revoir Madame. »