On a rien à faire.
On est tous parqués dans un même enclos. Attachés à nos bureaux comme des chiens de ferme à leur piquet. Je deviens aussi aimable qu’eux, à force. Supporter ce brouhaha permanent. Ces éclats de voix, parfois des rires. Aucune intimité. Tout le monde entend tout, voit à peu près tout, épie tout. Et en plus, bien qu’ayant chacun notre bureau, la proximité du voisin ou de la voisine est intrusive parfois violente. Les réactions à hautes voix destinées à personne d’autre qu’à soi, mais vu qu’on est en face, l’autre croit qu’on lui parle mais non, en fait.
Et tout d’un coup arrive le filtre de l’extra lucidité qui exacerbe tous les défauts perpétuels de chacun, les tics ou peut être des tocs. Celui ci vient quand il y a très peu d’activité et que rien ne nécessite une concentration qui fait oublier l’entourage. La sonnerie hurlante d’un téléphone (le mien je l’avoue). Le soupir de la voisine, répété. Comme une concrétisation de l’ennui mortel dans lequel nous sommes tous plongés ! L’une qui éternue fort et aiguë et tous ses voisins de répondre niaisement « à tes souhaits » ! Elle fait exprès, c’est son moyen de communication, sa façon d’exister. Elle a remis une attelle pour maintenir son poignet. Chochotte ! Pauvre vieille (elle est plus jeune que moi) et vieille fille ! Argh caricature d’elle même. Comment peut on se recroqueviller à ce point sur soi même. La faute à qui ? Qu’est ce qui a fait défaut ? Alors bonjour la cinglerité (racine du mot : cinglé), elle n’a pas de bureau nominatif, donc la plupart du temps elle arrive en premier pour choisir celui côté fenêtre, sinon elle ne peut pas respirer. Puis elle retourne le clavier de l’ordinateur, « clac clac clac » pour en extraire le méchant poison, microbe…poussière. Pathétique je vous dis !
Le parfum de la voisine. Le bruit de l’eau qui boue. Lui qui racle toujours son nez. Oui c’est la morve qu’il avale. L’autre a des problèmes avec son linge mal séché, il répand une odeur spécifique et reconnaissable, surtout nauséabonde. Et au loin l’énergumène qui baragouine fort l’anglais puis l’espagnol et aussi les 2 à la fois avec l’accent d’Aix en Provence.
» si senior. Muchas gracias »
Yes thank you
Shoukrane beaucoup »
Il y a celle qui a toujours froid. Et la tan tan tan…. c’est la guerre des clims. Elle a fini de demander de la baisser parce que « je caille » pour se faire « entendre non, il y a pas d’air autrement ». Elle le fait elle même discrètement, enfin si possible mais dans ce type de bureau, rien ne l’est.
Maison de fous quand on y pense.
Finalement il faut rester dans son enclos et se fermer à l’entourage, pour se retrouver, se concentrer sur soi. Mais c’est difficile au milieu de tous ces humains qui essaient de vivre un peu. Casque antibruit ou casque pour écouter de la musique, un film, un feuilleton, les nouvelles, les infos.
Comme des vaches, insensibles à ce qui les entourent. Ignorantes et sans cervelle !
Le bureau paysager
Filed under Hors du feu