Régal de la presse

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Le foie gras interdit

Gavage traditionnel chez une productrice de foie gras © Maxppp Amat Michel

Jusqu’à hier minuit, les amateurs californiens de foie gras se sont gavés. Mais aujourd’hui, c’est fini. L’interdiction de vendre et produire cette spécialité française est entrée en vigueur, sous peine d’une amende de 1.000 dollars (790 euros).

Cette loi avait en fait été votée en 2004 en Californie, à l’initiative d’associations et de politiciens comparant le gavage à une torture. Elle laissait sept ans aux producteurs pour trouver une alternative au gavage. « Nous respectons la physiologie de l’animal« , rétorque Marie-Pierre Pé, déléguée générale du Comité interprofessionnel du foie gras (CIFOG), « ils oublient que l’œsophage des oies et canards est élastique à la différence de celui des humains« .

Économiquement, l’interdiction de la vente en Californie ne représente pas grand chose pour les professionnels français, puisque l’exportation vers les États-Unis est quasiment nulle depuis quelques années. Mais ils s’inquiètent d’un « préjudice d’image« . « Nous avons demandé lundi un rendez-vous avec le ministre de l’Agriculture […] pour obtenir une démarche de la Commission européenne auprès de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), car la  position de la Californie enfreint la loi de l’OMC« , affirme Marie-Pierre Pé.

Reste que les Californiens pourront toujours commander par Internet, et aller chercher leur colis dans les états voisins. Mais surtout « la plupart des Californiens n’en ont jamais mangé, et beaucoup n’arriveraient même pas à prononcer son nom« , affirme un militant associatif.

(Clara Beaudoux, France Info)

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Brunchs couleur palace

Au Shangri-La, c’est dans le cadre vert céladon de La Bauhinia qu’a lieu le brunch, les samedis et dimanches. Il est d’une tonalité franco-asiatique comme le restaurant en semaine. Plusieurs petits buffets sont disposés à l’entrée du restaurant, l’un avec des verrines (guacamole à la crème de wasabi) et spécialités asiatiques (salade de boeuf thaï, salade pamplemousse thaï, maki) ; un autre plus petit avec des charcuteries, puis des fromages et le dernier avec des viennoiseries et un choix de desserts du chef pâtissier Pierre Perret. A table, service d’un plat français ou asiatique. Brunch classique 92 euros, avec une coupe de champagne Deutz Classic 110 euros. Enfants (moins de douze ans) 38 euros.

Points forts : le cadre très reposant, la qualité du service, le très bon jus de pamplemousse, l’assortiment de pains, le plat du jour asiatique ou français, la fraîcheur des buffets « fusion », l’assortiment de cakes (extra !), la mousse au chocolat, le riz au lait à la mangue. Un brunch qui se distingue.

Le brunch de La Cuisine, la table du Royal Monceau, diffère d’un jour à l’autre. Le samedi, il prend la forme d’un grand petit déjeuner : charcuteries artisanales italo-franco-espagnoles, saumon fumé d’Ecosse tranché, salades, légumes italiens, fromages, fruits de saison, viennoiseries et douceurs de Pierre Hermé. Le dimanche, plus chic et copieux, il comporte en sus smoothie « détox », huîtres, médaillons de homard, saint-jacques, sushis (74 euros le samedi – suivi d’un film au cinéma de l’hôtel 85 euros -et 115 euros le dimanche).

Points forts : le décor signé Starck, le confort, les oeufs selon vos envies, les huîtres et pièce de boeuf (dimanche), les pâtes fraîches confectionnées par le chef du restaurant italien Il Carpaccio, préparées « al dente » devant vous, le sublime croissant Ispahan et les entremets d’Hermé.

C’est dans le cadre somptueux du restaurant étoilé de l’hôtel de Crillon, Les Ambassadeurs, que le brunch se déroule le dimanche. De prime abord, il n’est guère impressionnant : un buffet placé au centre de la salle à manger avec les classiques du genre : saumon mariné et flétan fumé, jambon fumé cuit à l’os, bacon, oeufs brouillés, saucisses, deux salades, des blinis (froids !), tarama, viennoiseries, plus un petit buffet de desserts placé à l’entrée du restaurant. Une fois à table, carte en main, le regard change…

Un buffet gros comme le Ritz

Points forts : le prix, 90 euros avec une coupe de champagne (Laurent-Perrier brut servi en magnum), le cadre Régence, la présence d’une généreuse brioche et d’un délicieux kouglof sur chaque table, et la qualité des plats – quatre au choix. Le foie gras de canard mariné au cidre chutney de saison superbement moelleux nous a régalés. En prime les meilleurs Cupcakes de Paris.

C’est aux Orchidées, sous la verrière, que se tient celui du Park Hyatt. Le large buffet qui se reflète dans un miroir incurvé propose une montagne de petites entrées franco-libanaises, jambon italien, saumon fumé, crevettes roses du Brésil, salades, sélection de fromages, viennoiseries… La carte offre une dizaine de mets au choix qui vont de la noix de Saint-Jacques à la plancha guacamole, risotto crémeux au safran, au filet de boeuf laqué au soja. Prix le samedi 65 euros, dimanche 85 euros avec une coupe de champagne Pommery. Points forts : le lieu très lumineux, le buffet régulièrement rechargé, les plats (servis à table).

Au Ritz, tout se déroule dans le Salon d’été, pratiquement à l’entrée de l’hôtel sur la droite, un vaste salon ouvrant sur une terrasse intérieure. Les buffets sont disposés dans le salon Louis XV attenant. Buffet libanais, buffet sushis tenu par Daki, maître sushi, buffet crudités et entrées végétariennes associées aux charcuteries italiennes, buffet plats chauds où deux marmitons préparent plats de pâtes et sauces, omelettes, et découpent les pièces de viande, buffet de poissons, buffet d’un éventail de pains maison de qualité et viennoiseries, auquel est accolé un petit choix de fromages et, pour finir, un généreux buffet de desserts très sympathiques. Le dernier brunch avant fermeture complète de l’hôtel pour rénovation aura lieu le dimanche 29 juillet. Prix 120 euros, enfant moins de douze ans 60 euros.

Les points forts : l’abondance des mets sur chacun des buffets, le très bon jus d’orange frais, le service discret, les sushis parfaits, l’excellence du buffet libanais, Côté plats chauds, le pain de saumon, bar et homard en brioche. Et tous les délicieux desserts du buffet dont une fontaine de chocolat pour confectionner une brochette de fraises chocolatée. Le Ritz remporte haut la main le titre de meilleur brunch de palace !

JEAN-LOUIS GALESNE

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La passion de la viande

 

Il faut le voir faire dans sa boutique à l’heure de pointe pour tout comprendre. Le spectacle est gratuit. Il suffit de se poster devant la vitrine, rue Boulard, dans le XIVe arrondissement de Paris. N’y allez pas tous en même temps, le trottoir, pas très large, est déjà occupé par ses clients en file indienne. Mais croyez-moi, c’est un ballet magnifique. Eclairé comme une star par les néons des frigos et ces spots qui donnent bonne mine à la viande sur l’étal, le boucher, Hugo Desnoyer, se meut derrière le comptoir parmi une demi-douzaine de commis avec la vitesse d’un boxeur et le charisme d’un rocker. Une vraie bête de scène. Il est le meilleur défenseur possible de cette habitude plurimillénaire, menacée aujourd’hui, consistant à manger la chair crue ou cuite d’animaux que nous élevons dans ce but.

Son public est très féminin. Les habituées se pressent, mais, au dernier moment, passent leur tour pour être « servies par Hugo ». Sa réputation dépassant largement les frontières du XIVe, il signe des autographes, prend la pose devant le billot pour des touristes japonais, et fait visiter son labo à un couple de retraités provinciaux qui se sont présentés, l’oeil gourmand, en disant: « Nous sommes de la partie. » Il le reconnaît lui-même, il adore « vendre ». Certes, il passe beaucoup de temps chez les éleveurs à choisir ses bêtes, il les accompagne à l’abattoir, où ses carcasses, rassises, attendent trois semaines avant de pénétrer sa boutique parisienne. Fine lame, il découpe, désosse, dénerve, effile, détaille avec une dextérité stupéfiante. Le sang gicle, mais personne n’est blessé. Il cultive le beau geste par sécurité et par esthétique.

Hugo superstar

Son vrai plaisir, sa récompense, c’est le devant de la scène, la vente. Depuis qu’il a été repéré par un journaliste du Nouvel Observateur, aujourd’hui son ami, il est devenu une star de la viande, le Poilâne de l’aloyau. Hugo s’est fait un nom de famille. Béatifié par les intellocrates ripailleurs, toujours à la recherche d’un festin gratuit, il a signé un livre avec un chroniqueur du Figaro. Les dix meilleures tables de Paris mentionnent son nom sur leurs menus: « La côte de veau de Hugo Desnoyer ». Pauvre veau qui se fait voler la vedette post mortem, c’est la double peine. Son boucher plastronne sur son dos plusieurs semaines après le drame. Mais il n’a pas la conscience tranquille. « Je ne peux plus voir l’abattage des petits veaux, cela m’est devenu insoutenable », confie Hugo, l’air contrit. Cette grande carcasse de 1,90 mètre est un sentimental. Son ami Claude Lanzmann le note dans Le Lièvre de Patagonie (éditions Gallimard, 2009): « Ils exercent le plus noble des métiers, les bouchers sont les moins barbares des hommes. »

A sa caisse, dans le coin près de la porte, Christine, dite Chris, facture, encaisse et sourit en silence. C’est l’âme du commerce, la cofondatrice de la boucherie. Elle connaît son monde et s’amuse presque, avec le recul, de voir Hugo faire le joli coeur. On ne s’en plaindra pas: quand il est là, le chiffre d’affaires est décuplé, et puis c’est comme cela qu’elle l’a connue, alors qu’elle allait acheter sa viande. « Il n’y a pas de boucher sans bouchère. Impossible. C’est un commerce qui se fait à deux, et souvent, les bouchères sont belles », souligne l’ancien ministre Jacques Toubon dans Le Louchebem, un magnifique ouvrage collectif signé par une quarantaine de people racontant leur passion pour la viande.

Il y a deux catégories de bouchers: les coupeurs et les vendeurs. Les premiers sont parfois de grands artistes, mais personne ne le sait. Les seconds, en boutique, toujours dans la lumière, travaillent leur geste pour épater le chaland. Ils ficellent d’une main, parent en plaisantant, pèsent en s’enquérant du nombre de convives, emballent en donnant les consignes de cuisson. Quand ils tournent le dos à la cliente pour envelopper sa bavette dans du papier sulfurisé, ils jettent un oeil pour s’assurer qu’elle les suit bien du regard. C’est elle qui bave. Et bout de goûter leur viande. Toréadors de bêtes froides, ils ont le sang chaud. La chair les attire. Ils sourient, cajolent, badinent, brident et lardent. Ils se régalent, mufles, en leur jetant des « qu’est-ce qu’elle prendra aujourd’hui, la petite dame? », des « c’est pour vous toute seule? », parfois même des « vous allez adorer mes rognons ». Elles ne rougissent pas de honte mais de bonheur, quand ils les appellent « mademoiselle » au mépris de la vraisemblance et qu’elles corrigent: « Madame! » en guettant la réaction.

Nos bouchers stars ne conçoivent leur art qu’en représentation. Ce sont des bourreaux des coeurs. Mais c’est ainsi depuis toujours, cela fait partie du métier. Dans les meilleurs commerces, on sait bien que les affaires se portent toujours mieux quand un commis avenant sert les clientes. Quand les petits apprentis sont beaux gosses, on ne les laisse pas moisir avec le suif et les os dans l’arrière-boutique.

Menu de réjouissance


Yves-Marie Le Bourdonnec, dans sa boucherie à Asnières. © Alain Auboiroux/ PhotoPQR/Le Parisien / Maxppp

Il ne faut pas s’étonner du succès de Hugo ou de son rival asniérois, Yves-Marie Le Bourdonnec, réputé pour ses côtes de boeuf rassises pendant soixante jours, quasi boucanées, ou mêmes maturées au whisky. Ces bouchers bohèmes français, tout comme les neo-butchers new-yorkais de Brooklyn et du Meatpac-king District, qui passent leurs après-midi avec des attachées de presse pour recevoir les photographes des Inrocks et du New Yorker, tranchent avec le métier d’antan. Ils sont de la race des saigneurs. Avec cette nouvelle génération plus artiste que maquignon, l’art de la viande devient branché et peut tenir tête aux apôtres new age du végétarisme. Réglons vite leur compte à ces rabat-joie en prenant le plus inattaquable pour calmer le reste du troupeau. Certes, Gandhi refusait de manger de la viande, mais je ne vois pas ce qui le qualifie pour donner des conseils alimentaires. C’est même le dernier à qui je confierais le soin de choisir le menu des réjouissances. Sans blague, nos vaches paisibles, bien nourries et entourées d’affection sont bien plus sacrées que les leurs, faméliques SDF qui ne broutent que des cartons d’emballages et mâchent du papier bulle le long de meurtrières autoroutes dont rien ne les protège.

De surcroît, les idées reçues ont la peau dure comme du cuir. Le cinéma adore faire du boucher un voisin inquiétant taché de sang, le tranchelard à la ceinture et maladivement hanté par l’envie de vous transformer en tournedos. Et quand la viande s’invite aussi dans la politique, c’est pour prédire « du sang sur les murs », pour promettre « le croc de boucher » à son ennemi intime qui refuse de courber l’échine, tandis que les paranoïaques suspectent leur entrecôte d’être clandestinement islamique. La cinquième colonne dans l’assiette. Cela fait froid dans le dos.

Pas étonnant que les enfants de boucher hésitent à avouer la profession de leur père. Un criminel contre l’humanité? Le boucher de Srebrenica. La Grande Guerre? Une vraie boucherie. Mais il paraît que cela évolue. « Je suis surpris de voir que le regard des clients a changé depuis quelques années grâce à la médiatisation de l’artisanat », veut croire Hugo. « La viande est ma petite madeleine de Proust à moi, raconte Brigitte Liberman, directrice générale de L’Oréal Cosmétiques Active et fille de boucher. Enfant, je contemplais mon père désosser une pièce de boeuf. J’aimais le spectacle, l’odeur de la viande était comme un parfum, le sang me paraissait la couleur la plus naturelle du monde. »

Ni sacrificateur ni équarisseur, le boucher donne à manger et aimerait bien qu’on lui rende ses lettres de noblesse. Pour la nouvelle génération, cela passe par un retour aux sources. « Beaucoup de gens ont oublié le goût de la viande et manquent de culture, déplore Christian Le Lann, véritable parrain de la boucherie française, président de l’association professionnelle. Ils ne savent pas ce qu’ils mangent. » Il est vrai que la grande distribution, et ses abattoirs industriels, a privilégié le gain sur le goût. Elle a baptisé boeufs des vaches laitières de réforme nourries à la farine d’un peu tout, y compris OGM. Et pour ne pas avoir de stocks coûteux, elle a pris l’habitude de mettre en vente les viandes juste après l’abattage, négligeant le lent travail de maturation qui seul transmue l’animal en nourriture acceptable et lui confère sa saveur et sa tendreté.

Vaches sacrées

Un peu comme ces starlettes anémiées sur la scène des césars lisant le prompteur et déclarant, l’air inspiré: « Le cinéma, c’est la vie », le grand linguiste Alain Rey nous affirme sans peur du ridicule: « La viande, c’est la vie! » Mais c’est étymologique, le français est la seule langue qui distingue la chair de la viande (du latin vivere: vivre). Au Moyen Age, on appelait viande toutes les nourritures et provisions, « et Mme de Sévigné considérait comme des « viandes » à la fois un ragoût, une salade de concombres, des cerneaux de noix », souligne Alain Rey. Marc Lambron, carnivore assumé, raffole du tartare qu’on lui sert à La Closerie des Lilas, où il aime déjeuner avec Philippe Sollers. Parmi d’autres vaches sacrées de la littérature d’aujourd’hui, ils méditent en mastiquant cette phrase de Hugo (Victor): « Etre Chateaubriand ou rien! » transformée par Laurent Dispot à l’heure du déjeuner: « Avoir un vrai chateaubriand ou rien! »
Challenges, Jean-François Arnaud 

 

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