Régal de la presse

revue de presse

Festival du livre culinaire, édition 2012

RENDEZ-VOUS DU 7 AU 11 MARS !

Save the date : la prochaine édition du Festival du Livre Culinaire se déroulera du 7 au 11 mars 2012, au Centquatre. Après le succès de l’édition 2011, le Festival du livre culinaire s’offre une journée supplémentaire en 2012. Cinq jours au lieu de quatre pour permettre aux éditeurs de programmer un maximum de rendez-vous avant d’accueillir le public. Cette mesure répond à la demande des éditeurs étrangers, ainsi qu’au souhait de nombreux chefs et journalistes. Plus de réunions, plus de démonstrations de chefs, plus de lancements de livres, plus de dégustations au bar international, plus de conférences, mais aussi des nouveautés dans la programmation et dans la configuration de l’espace.

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Le vin jaune, l’or du Jura

Tout à coup, les cymbales et les trompettes de la fanfare se taisent. Les passants s’immobilisent. Un silence s’installe dans l’assemblée des 25.000 visiteurs entassés sur la place principale d’Arbois, village de 3.500 âmes au coeur du vignoble jurassien. Ils sont venus assister à la naissance du vin jaune. Sur l’estrade, le maître de cérémonie perce le tonneau préalablement béni à la messe du matin. Santé! Les festivités peuvent reprendre.

Pendant deux jours, le coeur d’Arbois bat la chamade. Comme tous les ans, le « roi des vins et vin des rois » est célébré au cours de la fête de la Percée, qui se déroule chaque premier week-end de février. Six longues années et trois mois après la récolte, les vignerons Par peuvent enfin goûter leur nectar d’or. En 2011, la manifestation a réuni près de 60.000 personnes: un record qui en fait la plus importante fête vinicole française. Armée de dix tickets de dégustation et d’un verre autour du cou, la foule investit les ruelles, descend dans les caveaux voûtés à la rencontre des producteurs, s’initie aux plaisirs de la gastronomie franc-comtoise, et goûte le fameux vin jaune, encore trop méconnu. C’est cette méconnaissance qui a incité Bernard Badoz, vigneron de Poligny, à créer la Percée en 1997. Piqué au vif par la question d’une journaliste viticole sur la différence entre le vin jaune (très sec) et le vin de paille (très liquoreux), il décide de faire découvrir son patrimoine au plus grand nombre. L’idée fait mouche dans un pays pourtant « peu porté sur le marketing », s’amuse Badoz.

Quinze ans plus tard, le vin jaune est entré dans la cour des grands. A la vente aux enchères organisée lors de la Percée 2011, une bouteille de 1774 a été adjugée 57.000 euros, un prix jamais atteint pour un vin du Jura. Fait rare parmi les collectionneurs: ses heureux acquéreurs ont décidé de boire ce nectar issu d’une vigne taillée sous Louis XV et vendangée sous Louis XVI. Ils ne seront pas déçus… Pierre Rolet, qui dirige le Domaine Rolet, deuxième domaine du Jura viticole, a participé à la dégustation d’une bouteille issue du même lot. « A peine avions-nous ouvert le bouchon que les senteurs de noix ont embaumé la cave, se rappelle-t-il. Le vin avait conservé tout son goût de jaune et acquis en finesse. Une bouteille magnifique arrivée à son apogée. Nous avons fait analyser un échantillon du liquide et deux cent dix-huit ans après, il restait 12,3 degrés alcooliques. Incroyable. »

Le vin jaune ne s’arrache pas seulement dans les salles des ventes. D’Anne-Sophie Pic à Georges Blanc en passant par la maison Bernard Loiseau, les chefs étoilés en sont fous. »J’aime beaucoup sa subtilité et l’originalité qu’il apporte au plat », déclare Michel Roth, chef des cuisines du Ritz
, qui propose à ses clients une sole au vin jaune, jus de coquillages et échalotes, ou des asperges vertes et foie gras de canard voilé au comté, mousseline au vin jaune. Le coq aux morilles et au vin jaune est devenu un classique. Le vin d’or s’invite aussi à la carte des desserts. Thierry Moyne, chef de La Balance Mets et Vins, à Arbois, suggère une divine crème brûlée au vin jaune et curry. Il s’associe aussi parfaitement aux menus épicés thaï ou indiens. On peut le boire tout simplement à l’apéritif avec des noix et des dés de comté. Pour en apprécier toutes les subtilités, ouvrez-le quelques heures à l’avance et servez-le à température. Inutile en revanche de vouloir le conserver à tout prix pendant des années: contrairement à sa réputation de vin de garde, il peut être bu dès sa mise en bouteille. La gastronomie constitue une bonne porte d’entrée pour découvrir cet or liquide, difficile d’accès, mais vénéré par les initiés. Pour sa chanson Le Dernier Repas, Jacques Brel réclamait « de ce vin si joli qu’on buvait en Arbois », tandis que le Jurassien Louis Pasteur, créateur de l’oenologie moderne, louait ce »vin d’or », dit « vin des rois » parce qu’il était le favori d’Henri IV et de François Ier.

Rude, le vin jaune est à l’image des hommes dont il fait la ferté: pas facile à apprivoiser. A la première dégustation, seul un novice sur dix l’apprécierait d’emblée. « C’est comme un morceau de roquefort que l’on ferait goûter à un enfant de 2 ans », explique Jean-Charles Tissot, président du Comité interprofessionnel des vins du Jura. Le premier contact s’établit avec les yeux: il faut prendre le temps de l’observer, d’admirer sa robe dorée et lumineuse qui virevolte dans le verre et laisse son empreinte sur les parois. Humez-le. Les premiers arômes déconcertent mais ne se laissent pas oublier. Imprégnez-vous encore de ce parfum qui ne ressemble à rien de connu. Comment un vin blanc peut-il dégager autant de puissance? Goûtez-le. Cette puissance s’installe en bouche dès la première gorgée et s’intensifie avec chacune des suivantes. Tant de saveurs, les papilles s’affolent. Elles reconnaissent des arômes de noix, les plus caractéristiques, mais aussi de noisette, de pain d’épices, de pain grillé, de muscade, de miel, de morille, d’orange, voire de cuir ou de truffe quand il prend de l’âge. Certains imaginent à tort que le vin jaune est un vin sucré. Il s’agit au contraire d’un vin vif, très sec, presque amer.

Sa complexité tient à son mode d’élaboration, à son cépage, le savagnin, et au terroir jurassien constitué de marnes grises, terres argileuses et calcaires. Le vin jaune est une aberration oenologique. Le jus repose six ans et trois mois en fût de chêne après les vendanges, sans que le vigneron intervienne à aucun moment, contrairement à toutes les méthodes viticoles connues. Le savoir-faire de l’homme s’exerce en amont. Mi-octobre, on égrappe les vignes cultivées sur les terres vallonnées du Jura. Les baies de savagnin cueillies en toute fin de maturation sont placées dans des cuves pour une vinification classique. Le secret du vin jaune tient surtout à son élevage unique. Après la fermentation alcoolique et la fermentation malolactique qui dure jusqu’au printemps, les vins sont transférés dans les tonneaux. Ces derniers sont stockés dans une cave sèche et aérée qui doit enregistrer de grands écarts de température (de 8 degrés en hiver à 15 degrés en été). Les fûts ne sont jamais neufs, souvent récupérés en Bourgogne après avoir perdu tout goût boisé. Les vignerons jouent parfois avec les contenants pour modifier les saveurs. Un exercice auquel s’est prêté Stéphane Tissot, qui a tenté une expérience avec un fût de whisky. Résultat surprenant et réussi pour cette unique production de vin jaune W aux accents tourbés. Dans tous les cas, les tonneaux ne sont jamais remplis à ras bord, ce qui ménage une poche d’air au contact de laquelle va se former un voile de levures.

Cette fine couche de l’épaisseur d’un papier à cigarettes isole le vin de l’oxygène enfermé dans le fût et lui donne son incomparable « goût de jaune », alors que partout ailleurs ce procédé conduirait inévitablement à produire du vinaigre. Pendant les six années de maturation du vin jaune, le fût n’est donc pas rempli, « ouillé » comme disent les professionnels, pour compenser l’évaporation naturelle du vin. Cette « part des anges » représente près d’un tiers du contenu initial. Autrement dit on ne récupère que 62 centilitres de vin pour 1 litre au départ. Cette bizarrerie explique le format spécial du « clavelin », seule bouteille homologuée pour le conditionnement du vin jaune.

Prestige du nom oblige, le vin n’est produit que sous quatre appellations AOC: Arbois, L’Etoile, Côtes-du-Jura et Château-Chalon, le nec plus ultra. La légende attribue sa naissance aux abbesses de ce petit village classé qui, privées des plaisirs de la chair, reportèrent leur amour sur le vin. Un autre récit, moins poétique, raconte qu’un vigneron aurait découvert en revenant de la guerre la délicieuse métamorphose de son vin laissé à l’abandon dans un fût. Providentielle négligence! Désormais, l’élaboration est réglementée et les exploitants doivent laisser leur production reposer au minimum six ans. Certains font durer l’attente une année de plus.Cette contrainte n’est pas la seule. Pour atteindre la perfection, les vignerons s’imposent des contrôles de qualité très pointus. Une commission de contrôle de l’appellation Château-Chalon passe dans les vignes avant les vendanges pour vérifier que le raisin a toutes les qualités requises. Une seconde équipe, composée de professionnels et d’amateurs de vin, teste à l’aveugle le produit qui doit être vendu. Ces deux commissions ont le pouvoir immense de déclasser le futur vin d’appellation Château-Chalon. La menace n’est pas virtuelle: le déclassement total a été prononcé pour les récoltes 1974, 1980, 1984 et 2001. Certaines maisons ont alors transformé leur production en Côtes-du-Jura. D’autres ont choisi de jeter six années de travail dans l’évier. « C’est terrible d’un point de vue économique », explique Laurent Macle, sixième génération à exploiter le domaine à son nom. La sanction est d’autant plus cruelle que la production du Jura reste modeste: seulement 2.200 hectares de vignes, contre 120.000 dans le Bordelais. L’excellence se paie au prix fort. Cette année, heureusement, il n’y a pas de quoi s’alarmer: le millésime 2005 est prometteur. Le suspense est cependant à son comble à quelques jours de la Percée qui se déroule les 4 et 5 février dans le village de Ruffey-sur-Seille. Là, les 40 000 visiteurs attendus lèveront une nouvelle fois leur verre à la naissance du vin des rois.

Pour Challenges
Par Chloé Dussapt

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Ronald Searle, l’élégance piquante du cartooniste


Il affectionnait les chats et les escargots, qu’il croquait d’un trait élégant et caustique, au piquant jamais acerbe. Le dessinateur anglais Ronald Searle, 91 ans, s’est éteint le 30 décembre 2011 à Draguignan (Var), où il vivait depuis plus d’un demi siècle. De lui, on connaît surtout les matous souvent matois, ou les scènes satiriques publiées dans Le Monde, The New Yorker ou The International Herald Tribune.
Les Britanniques, eux, ont été particulièrement marqués par la série St Trinian’s, qui met en scène dès 1948 des écolières malveillantes et incontrôlables, qui sirotent de l’alcool et manient les armes comme qui rigole. L’engouement pour ces diablesses est tel que des films sont tournés – ils donneront lieu à des remakes au mitan des années 2000. L’artiste est pourtant lassé de ces petits monstres adulés, et tentera de les tuer sur papier en 1952 (il lance une bombe atomique sur leur école), sans succès.
Né à Cambridge en 1920, Ronald Searle grandit dans une famille modeste, qui encourage son don pour le dessin. A 15 ans, il vend ses premiers croquis au Cambridge Daily News, finançant ainsi ses cours du soir. Volontairement engagé dans le génie militaire, il est envoyé à Singapour, capturé en 1941 par les Japonais et forcé de travailler à la construction de la ligne de chemin de fer Birmanie-Thaïlande, où les hommes meurent à tour de bras. Malgré la dysenterie et la malaria, il survit pendant quatre ans, ne lâchant jamais son crayon. « Tout le monde avait un livre avec une page blanche, racontait-il en 2005 dans un entretien à la BBC. On me donnait ces papiers, et je dessinais dessus. Cela me permettait de tout enregistrer, de me transformer en caméra. »
De retour à la vie civile, il s’intéresse à l’actualité, couvrant pour Life Magazine la campagne présidentielle de JFK en 1960 ou le procès d’Adolf Eichmann à Jérusalem l’année suivante. Influencé par le travail de l’Allemand George Grosz, et lui-même influence revendiquée de nombreux artistes – dont Matt Groening, le créateur des Simpson –, Ronald Searle avait le sentiment de n’avoir jamais quitté la prison construite par les Japonais. Une situation qu’il semblait avoir acceptée, affirmant que, « pour créer, il faut être isolé ».
Laurence Le Saux (Télérama)
Le 5 janvier 2012

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